Interview de Alain Kock : directeur du CVDC

6 octobre 2016

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Aujourd’hui, partons à la rencontre d’un processus qui reste encore méconnu quoi qu’en pleine expansion : la validation des compétences. Alain Kock est la personne-ressource indiquée pour nous guider sur cet itinéraire bis de la reconnaissance des savoirs. Parcourons un bout de chemin pour échanger sur la relation acquis de l’expérience, formation et validation de compétences ou sur l'apport d'une vision à long terme des apprentissages et de leir utilisation dans nos pratiques professionnelles. 

Mais en fait, c’est quoi la validation des compétences ?

La validation des compétences permet, à toute personne de plus de 18 ans, qui a acquis des compétences professionnelles mais pas de diplôme, de les faire valider officiellement

Comment ? En obtenant un ou plusieurs titre(s) de compétence après avoir réussi une épreuve de validation (mise en situation professionnelle ou bientôt par dossier examinés dans les deux cas par un jury de professionnels) dans un Centre de validation des compétences agréé.

Vous trouverez toutes les informations concernant les compétences disponibles à la validation, les outils, les épreuves et les outils d’accompagnement sur le site www.cvdc.be

Le cadre institutionnel : une réalité complexe mais en évolution

Alain Kock a déjà parcouru quelques kilomètres dans les couloirs des diverses administrations de la Belgique francophone. Il concède que le pilotage d’un système transversal à 3 gouvernements peut présenter un certain niveau de complexité, mais il insiste que la personne qui se présente à la validation ne rencontre pas cette complexité. Les Centres de validation en Belgique francophone offre les mêmes services et une évaluation de manière centralisée. Le même titre de compétence est délivré quel que soit l’opérateur de validation.

Le Titre de compétence offre aujourd’hui certains effets de droit notamment auprès des Pouvoirs locaux wallons ou pour l’accès à la profession. Ces droits s’élargiront encore dans les mois qui suivent.

Il souligne aussi que le titre donne droit à l’accès aux formations organisées au sein des établissements de l’Enseignement de Promotion sociale ainsi que des centres de formation de l’IFAPME, du SFPME[1], du Forem et de Bruxelles Formation.  Il octroie aussi le droit de dispense lors de reprise d’étude.

Un processus de concertation garant de qualité

La validation des compétences est la fin d’un processus cadré.  Il passe par différentes étapes que sont, schématiquement, la construction d’un référentiel métier (tout ce que le métier implique comme maitrise de savoir, savoir-faire et savoir-être) et à partir de celui-ci, un référentiel de validation qui cadre précisément l’évaluation sur base et en étroite collaboration avec les partenaires sociaux du secteur concerné.  Des centres de validation sont alors reconnus et des examens peuvent se dérouler, garantissant à chaque postulant une égalité de traitement.

L’importance de la documentation des métiers tout au long de la carrière est donc une base structurante à la fois pour l’orientation de la carrière et la reconnaissance des acquis issus de processus d’apprentissages non-formels et informels dont l’expérience professionnelle et de vie, souligne Alain Kock . 

Une telle documentation des compétences manque souvent dans le secteur non marchand.  Souvent par faute de moyens, les métiers ne sont pas décrits de manière systématique.  Ceci rend difficile la mise en place d’un référentiel et donc d’un processus de validation.

De nouveaux horizons?

Le 25 000ème titre a été attribué cette année.  Très peu le sont dans le secteur non marchand.  Différents facteurs sont mis en avant par notre interlocuteur :

  • la spécificité des métiers et la créativité du secteur à les faire évoluer
  • la méfiance d’un secteur quant à la possibilité de valider des savoir-faire et savoir-être liés à l’aide à la personne
  • la persistance de la logique « acquisition de compétences = formation et/ou stage ».

C’est pourquoi il souligne l’importance d’intégrer la validation dans une stratégie d’apprentissage dans laquelle l’acquisition de compétences doit avoir une finalité concrète : en quoi une compétence est-elle une ressource dans l’exercice de mon métier ?  En quoi me permet-elle de développer des « savoir agir » ?

Les apprentissages sont donc des supports dans un parcours professionnel afin de progresser dans ses pratiques professionnelles.  Alain Kock souligne ainsi l’importance de documenter son parcours de formation dans un porte folio qui intègre apprentissage formel et non formel.  Cela est essentiel pour permettre au travailleur de se positionner sur le marché du travail.  Cela peut aussi être très utile au moment de la reprise de cycle de formation plus long[2].

Il souligne aussi à ce propos le besoin de transparence de chacun des acteurs de la formation pour que les bénéficiaires puissent passer d’un système à l’autre avec des facilités pour valoriser les acquis réalisés dans l’un ou l’autre.

Le non-marchand et ses spécificités

Un frein au développement de la validation dans le secteur pourrait être le niveau de qualification requis dans le secteur, mais, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres secteurs, certains métiers d’entrée dans le secteur peuvent faire l’objet d’une validation et mener à un parcours professionnalisant via la formation.

Les travailleurs du secteur ont un haut niveau de qualification, encore plus dans les services de soins à la personne que dans le secteur de l’action sociale. Cette tendance tend à se renforcer comme le montre les débats autour du niveau de qualification minimal pour les métiers liés à l’accueil de l’enfant[3].

Notre interlocuteur met en avant l’importance de la reconnaissance de compétences transversales au sein du secteur non marchand mais aussi au-delà. Il cite l’exemple du tutorat.  Cette compétence transversale fait depuis peu l’objet d’une validation.  L’expérience du secteur fut d’une grande aide pour poser les compétences nécessaires au tuteur et comment les évaluer.

Une autre piste, en cours de développement, est la validation par dossier.  Elle consiste à prouver sa compétence non pas via une épreuve de mise en pratique mais à travers des témoignages d’acquisition de la compétence, via un dossier reprenant des reconnaissances de formations, des expériences professionnelles authentifiées et pouvant être discutées avec un jury de professionnels.

En guise de conclusion

Les apprentissages tout au long de la vie professionnelle sont essentiels pour permettre au travailleur de se positionner sur le marché du travail et d’y acquérir une certaine autonomie, en permettant une certaine mobilité professionnelle.

La validation des compétences s’inscrit dans cette logique en mettant en avant le côté transsectoriel des métiers.   Un aide comptable peut ainsi décider de mettre ses compétences au service d’une asbl après avoir fait son début de carrière chez un assureur ou chez un concessionnaire automobile.

La validation permet aussi au travailleur de faire reconnaitre des compétences tout au long de leur carrière.  En cas de rupture de contrat, il peut alors faire valoir sur le marché de l’emploi des compétences officiellement reconnues.

Il est important que les partenaires sociaux veillent à l’accessibilité aux apprentissages.  La marchandisation des savoirs est une réalité.  Les formations à distance sont démultipliées ainsi que les copyrights sur des méthodologies dont les coûts se répercutent ensuite sur les frais de formation.  Les secteurs peuvent agir en s’impliquant dans la mise en place de validations qui permettent une reconnaissance dans des cadres reconnus. 

Bref, cette démarche doit s’instituer dans une démarche globale de professionnalisation qui permet une meilleure qualité de service.  L’apprentissage devient ainsi un projet  dans lequel l’employeur et le travailleur trouvent avantage.  Le premier met en avant le service rendu dans sa structure.  Le second est reconnu comme porteur de compétences.  Il les met en œuvre dans son cadre professionnel – ou bénévole - et peut s’en servir comme socle afin de développer de nouveaux projets.  A l’instar d’un bilan de compétences (qui permet à un moment précis de faire le constat des compétences acquises dans un processus déclaratif), cette reconnaissance externe est un processus mobilisateur  qui permet une inscription dans la durée du travailleur dans  son emploi et au secteur d’élever progressivement son niveau de professionnalisation.

 


[1] Service formation pour les indépendants et les PME de la Région bruxelloise

[2] Pour activer l’octroi de dispenses que ce soit auprès de l’enseignement de promotion social ou l’enseignement supérieur via la validation des acquis de l’expérience

[3] Certains acteurs souhaitant que tout travailleur actif dans le secteur ait une qualification de niveau baccalauréat.

Notes & références

  1. CVDC : Consortium de Validation des Compétences